HÔTEL de MELLET
Appelé « Hôtel de Mellet », en l’honneur de Louise de Mellet (1739-1828), qui le remania seule, dans les années 1770, alors que son époux, Alexandre de Coppin (1739-1823), loin de la Gascogne, commandait le Fort Royal à la Martinique. La plaque à droite de la porte d’entrée mentionne la date du mariage de Louise avec Alexandre (1764). On découvre un dessin de la maison côté jardin, et la première énigme de Mellet (chiffre du couple : initiales de la grille posée au-dessus de la double porte).
A l’époque, la France était un Royaume, à la charnière des règnes de Louis XV (1715-1774) et de Louis XVI (1774-1792). La Gascogne était une province, dont faisait partie la circonscription d’Armagnac. Ce territoire dépendait alors de l’Intendance de Guyenne, c’est-à-dire de Bordeaux, et pas de Toulouse, comme aujourd’hui.
« Mellet », c’est comme cela qu’il faut dire, est un hôtel particulier construit sur le devant, comme la plupart des hôtels de Condom. Cette caractéristique montre une volonté de s’intégrer dans la population et non de se mettre à distance, voire de s’éloigner de la rue par une cour d’honneur.
Le remaniement de cette demeure n’a pas fait consensus dans le ménage. Dans deux lettres, envoyées depuis les Antilles par l’époux de Louise de Mellet, se dévoile un désaccord sur le projet architectural. Dans l’une datée du 11 décembre 1777, la « célérité » avec laquelle Louise de Mellet a fait bâtir la maison, est nettement posée. Puis, dans une autre de 1785, la construction est considérée « indéçament bâtie et mal distribuée », car sans cour d’honneur, c’est-à-dire, directement sur la rue. Pourtant, l’Hôtel de Mellet tel que nous pouvons le voir en 2021, a été voulu et remanié par une femme visionnaire, qui y résida avec ses 6 filles.
C’est au cœur de la citadelle condomoise, pour y vivre l’agitation urbaine, que Louise de Mellet s’éloigna du calme de sa châtreuse de Lagarde (commune de Montréal du Gers).
Construite sur un plan dit en parallèles et sans épaisseur, la maison s’ouvre des 2 cotés : rue, et jardins. L’enfilade des 4 pièces de rue, hall, octuor (salon de musique aux huit instruments, dédié aujourd’hui au vin de Bordeaux), bibliothèque et petit boudoir, est ouverte à la visite. Ces pièces de rue étaient actives, destinées aux relations, commerçants et fournisseurs, négociants, et partenaires. Les pièces d’intimité, côté jardin appuyé sur le vestige du rempart médiéval, offrent une vue dominante sur la campagne, rare à Condom. Sans cour d’honneur sur rue, Mellet offre un patio à l’italienne, à l’arrière, sur la gauche du jardin, qui relie la maison avec l’orangerie consacrée notamment à la dégustation de vins et armagnac.
En bas, PLAQUE 5 TER, un second jardin est restauré le 7 mai 2021 ; c’est le verger de Mellet, dont les 16 arbres fruitiers s’inspirent des ruches du blason des Mellet : prunes d’ente et mirabelles, jaune, noir de l’abeille. .
Enigme des initiales du couple Louise et Alexandre : le chiffre en fer forgé, au-dessus de la porte d’entrée prouve la signature de Louise de Mellet : depuis la rue, c’est LdM que l’on lit, et depuis l’intérieur, ce sont les initiales de son mari (Alexandre Coppin (de), de Lagarde) : LCA, que l’on peut lire, mais à l’envers…
Les Mellet sont une famille de notables condomois depuis le XV° siècle. Suite à un procès en succession de 20 ans, au retentissement national, le frère de Louise de Mellet, Antoine de Mellet (1744-1822) hérita du titre de Marquis de Bonas, assorti de terres importantes. C’est l’héritage providentiel de la richissime grand-mère Pardaillan, qui peut expliquer le renouveau de l’hôtel de Louise, et la construction de l’hôtel d’Antoine, le majestueux Hôtel de Bonas, sur les allées, à moins de 200 mètres. Les deux hôtels ont la même cage d’escalier, motif de feuilles de chênes, mais les proportions sont plus féminines à Mellet qu’à Bonas.
A Mellet, la construction répond à une vision moderne de Louise, alliant une volonté de s’intégrer dans l’activité urbaine, et d’accepter les contraintes du foncier qu’offre la rue.
L’Hôtel de Mellet allait donc se révéler à la mode, n’en déplaise au mari de Louis de Mellet.
Cette maison est restée une maison de famille. Elle appartient aujourd’hui à une famille bordelaise, qui l’ouvre partiellement à la visite. Hasard de la vie ou pas, la propriétaire actuelle, issue d’une ancienne famille béarnaise, les Bachoué, est une lointaine parente de Louise de Mellet, par les multiples alliances de la tribu Gassion dont les Foix alliés des Pardaillan.
Les portraits des 2 beaux-frères par Louise de Mellet, Antoine et d’Alexandre, accueillent dès le hall.
L’hôtel particulier est un type de logement français que l’on trouve aussi en Belgique et en Suisse, conçu pour être habité par une famille, au sein d’une ville, et plus ou moins luxueux. En France, le modèle initial de l’hôtel « en façade bâti sur rue » de style Renaissance, s’efface au XVI° siècle devant le modèle « cour et jardin », pour s’éloigner de la rue. Mais au fil des siècles, la rue retrouve ses lettres de noblesse, et le logis principal reprend sa place « sur le devant », pour vivre proche de la rue et des commerces.
A Condom en Armagnac, presque tous les hôtels particuliers sont construits sur le devant, à l’exception de 4 dotés d’une cour d’honneur : l’Hôtel Dorlan de Polignac, l’Hôtel de Fondelin, l’Hôtel de Coq, et l’Hôtel de Tartanac. Les trois premiers sont directement liés avec la famille Mellet. Le quatrième, Tartanac, est caché derrière une magnifique grille incurvée, derrière l’actuel Hôtel de Ville (ancien Hôtel du Bouzet).
LE VERGER DE MELLET
CONTRE LE REMPART DE LA CITADELLEL’hôtel de MELLET, bâti dans la ville haute, bénéficie d’une entrée sur l’impasse Saint Jean, mais aussi d’une servitude de passage qui le relie aujourd’hui au Boulevard Saint Jean, dans la ville basse. Plus haut, il jouit d’un accès direct à la ville haute (voir plus tard, l’étape 4), juste en face du Musée de l’Armagnac.
Avant d’être une voie publique, le boulevard Saint-Jean était situé hors les murs du faubourg de Barlet ; le nom de BARLET est une évolution du nom BARILLET qui signifie FAUBOURG. Ce boulevard devait être avant-port, proche du canal latéral, aux pieds des Grands Moulins en regardant vers la Baïse. Ce projet avortera, et en souvenir de l’Eglise du faubourg, Saint-Jean, on lui donna ce nom. A cet endroit se tenait le marché des porcs ou des cochons, qui était réputé dans toute la contrée. Des traces du mur d’enceinte restent visibles vers l’acte ille Porte Saint Jean ; cette rue portait autrefois le nom de porte Saint Jean.
Après de nombreuses recherches, c’est enfin le 7 mai 2021, que la famille bordelaise propriétaire des lieux, a restauré le verger du XVIII° siècle, grâce à l’adhésion de voisins mitoyens, la famille Bernard Semeziese, sous le regard protecteur d’une Vierge scapulaire à l’enfant Roi. Le dessin de ce petit verger n’est pas anodin : il suit le plan géométrique d’une Croix du Saint Sépulcre de Jérusalem, l’aïeul (1890-1954) de l’actuel propriétaire en ayant été Commandeur.
CROIX DE SAINT SEPULCRE DE JERUSALEM
A noter que ce dessin très particulier fait écho au blason très visuel de l’évêque de Condom, Alexandre-César d’Anterroches (1719-1793) qui possède notamment 2 croisettes sur le modèle du Saint Sépulcre, et qui fit construire le palais épiscopal, actuelle Sous Préfecture (étape 5).
BLASON César-Alexandre D’ANTERROCHES –
XXVème EVEQUE DE CONDOM
Le choix des fruitiers du verger de Mellet, 4 mirabelliers et 12 pruniers dente, a été guidé par les teintes bicolores des abeilles, APIS en latin, évocation parlante du blason des Mellet contenant 3 ruches.
APIS
Depuis l’impasse Saint Jean, c’est le seul endroit de Condom en Armagnac d’où l’on peut apercevoir en regardant vers la ville haute : l’hôtel de Mellet, puis sur la gauche, l’Hôtel de Blois ou « L’Hôtel des favorites », puis plus à gauche le premier Hôtel Dorlan, juste avant le très imposant et célèbre Hôtel de Polignac.
Il est intéressant de les décrire depuis la ville basse, car il déroule leur jolie façade gersoise coté jardin ; coté rue, il est impossible de les deviner, sauf l’Hôtel de Polignac, ostentatoire par volonté farouche de son créateur, l’abbé Dorlan.